POINTS DE REPÈRES #1 : les 9 limites planétaires, késako ?
- amellouzguiti
- 24 juil.
- 6 min de lecture
Peut-on suivre l’état de santé de notre planète comme un médecin le ferait avec son patient ? Avec le concept scientifique des « limites planétaires », les impacts des activités humaines sur les équilibres naturels sont rendus très concrets. Conduits par le chercheur suédois Johan Rockström, directeur du Potsdam Institute for climate impact research (PIK), des chercheurs internationaux quantifient très précisément ces risques depuis 2009.
Dépasser une limite c’est franchir un seuil. Lorsqu’une limite est dépassée, c’est l’équilibre du système Terre qui est bouleversé, dont la vie sur terre, qu’elle soit humaine, animale et végétale. Aujourd’hui en 2025, 6 des 9 limites planétaires existantes sont d’ores et déjà dépassées et une septième est en passe de le devenir. Une seule est désormais stabilisée, grâce à l’engagement de la communauté internationale.
Les points de repères
Pour tout comprendre, Point de bascule vous propose les fiches "Points de repères". Des essentiels à connaître se saisir des enjeux socio-écologiques.

1. Changement climatique
❌ Dépassée
C’est certainement la limite planétaire la plus connue de toutes.
Elle est mesurée en fonction de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone présente dans l’atmosphère. Le seuil critique pour le changement climatique se situe autour de 350 ppm (parties par million) de CO₂ dans l’atmosphère.
Selon les dernières données du Laboratoire de Surveillance Mondiale de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), les concentrations de dioxyde de carbone (CO₂) à l’observatoire de Mauna Loa, à Hawaï, ont atteint des niveaux record. En mai 2024, la concentration moyenne mensuelle de CO₂ a atteint 426,9 parties par million (ppm).
Conséquences : fonte des glaciers, aggravation des événements météorologiques extrêmes, perturbation des écosystèmes…
Solutions : réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C ou +2°C conformément à l’Accord de Paris (2015). Pour un français moyen émettant aujourd’hui 10 tonnes de CO2 par an, il faudrait parvenir à 5 tonnes par an d’ici 2030 et 2 tonnes par an d’ici 2050. Larestauration des puits de carbone comme les forêts ou les zones humides fait partie des autres leviers d’action.
2. Utilisation de l’eau douce
❌ Dépassée
Cette limite planétaire est estimée dépassée depuis 2023. C’est celle de l’eau « bleue ». En 2022, une limite concernant le cycle de l’eau douce avait déjà été dépassée : celle de l’eau « verte ». L’eau « bleue » représente l’eau qui alimente les cours d’eau, les lacs et les nappes phréatiques. Elle correspond à environ 40% des précipitations tandis que l’eau « verte », constitue les 60% restants, stockée dans le sol et la biomasse. En comparant les changements de variations entre les eaux bleues et les eaux vertes par rapport à l’époque pré-industrielle, les scientifiques ont constaté que les limites recommandées sont actuellement largement dépassées. Cela s’explique notamment par une utilisation excessive d’eau pour l’agriculture et l’irrigation.
Conséquences : pénurie d’eau potable, dégradation des systèmes aquatiques, impacts sanitaires…
Solutions : gérer efficacement les usages en eau, mieux réutiliser les eaux usées, laisser l’eau s’infiltrer dans les sols…
3. Intégrité de la biosphère
❌ Dépassée
Derrière le terme « biosphère » se cache l’ensemble de la biodiversité et l’ensemble des écosystèmes qui soutiennent la vie sur Terre : plantes, animaux, champignons, et les micro-organismes, ainsi que leurs interactions avec les éléments abiotiques (eau, air, sols) qui composent leur environnement. Les menaces s’expliquent notamment par la dégradation et la diminution des habitats.
En 2019, l’IPBES (1) alertait dans un rapport sur le déclin de la nature « à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine ».
Conséquences : disparition des espèces fragilise la chaîne alimentaire globale, réduction de la pollinisation, augmentation des maladies liées à l’environnement…
Solutions : création et gestion de zones protégées, conservation des habitats, agriculture durable…
4. Changement d’utilisation des sols
❌ Dépassée
À l’échelle mondiale, la limite représente le rapport entre la superficie forestière actuelle et la superficie forestière d’avant 1700 (avant interventions humaines fortes sur l’ensemble du globe), dite « originelle » par les chercheurs du Stockholm Resilience Centre. Les chiffres montrent que seules 62 % des surfaces forestières d’avant 1700 sont encore boisées dans le monde en 2015, et donc le seuil de 75% considéré comme limite est aujourd’hui largement dépassé. Depuis 1990, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 420 millions d’hectares (Mha) de forêts ont été perdus à cause de la déforestation liée en grande partie à la pratique de l’élevage intensif dans des régions comme l’Amazonie, l’Afrique centrale et l’Asie du Sud-Est.
Conséquences : déforestation, perte de fertilité des sols, réduction de la capacité agricole…
Solutions : agriculture durable, limitation de l’étalement urbain, restauration des sols dégradés…
5. Flux biogéochimiques (Azote & Phosphore)
❌ Dépassée
L’azote et le phosphore jouent des rôles essentiels dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et marins et leur cycles géochimiques sont considérés comme des enjeux prioritaires par les scientifiques. Mais tout est question d’équilibre et lorsqu’ils sont émis en abondance, ils perturbent ce système. L’utilisation massive d’engrais azotés, phosphatés et l’élevage intensif qui génère de grandes quantités de fumier riche en azote et en phosphore sont les causes principales de ces flux supplémentaires rejetés dans les sols, l’air et les eaux.
Conséquences : eutrophisation des eaux, algues nuisibles, pollution de l’eau potable...
Solutions : réduire l’utilisation des engrais, gestion des déchets d’élevage, valoriser les biodéchets humains…
6. Substances chimiques
❌ Dépassée
Cette limite planétaire recouvre toutes les substances chimiques ou biologiques (plastiques, médicaments, pesticides, nanomatériaux, OGM…) qui peuvent affecter les écosystèmes, les organismes vivants et la santé. Aujourd’hui, 350 000 produits chimiques sont mis sur le marché mondial, une production multipliée par 50 depuis 1950. Aujourd’hui une majorité de ces produits sont utilisés sans avoir encore fait l’objet d’une évaluation de leur innocuité.
Conséquences : dégradation des sols et des eaux, accumulation de polluants dans la chaîne alimentaire, augmentation des maladies liées à l’exposition aux substances chimiques…
Solutions : interdiction de l’utilisation de substances chimiques, gestion des déchets, recherche de solutions de traitements à faible impact…
7. Acidification des océans
🟠 Quasiment dépassée.
Toujours sur le fil du rasoir mais les scientifiques ont considéré en 2024 qu’elle sera dépassée « dans un avenir proche ». Les océans absorbent 25 % du CO2 présent dans l’atmosphère. L’augmentation de la quantité de CO2 due aux activités humaines perturbe les équilibres biogéochimiques des océans car le carbone, en se dissolvant, s’acidifie. Et l’acidification des océans a augmenté de près de 30% depuis le début de la révolution industrielle (1800).
Conséquences : perturbation de la vie marine, réduction de la biodiversité et des espèces, impact sur la chaîne alimentaire…
Solutions : baisse des émissions de gaz à effet de serre, restauration des écosystèmes marins…
8. Charge en aérosols atmosphériques
✅ Non dépassée excepté dans certaines régions.
Les aérosols atmosphériques représentent toutes les particules en suspension dans l’air. Elles peuvent être d’origine naturelle mais une part de plus en plus importante provient des activités humaines soit directement, soit indirectement lors de réactions chimiques entre des gaz ou des particules déjà présents dans l’air. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués par la pollution de l’air extérieur dans les villes et les zones rurales.
Conséquences : effet sur la santé respiratoire, modification du climat, perturbation des précipitations…
Solutions : réduction de la pollution de l’air, mobilité durable et collective…
9. Appauvrissement de la couche d’ozone
✅ Stabilisée (grâce aux efforts internationaux)
Bonne nouvelle. Suite à l’adoption du protocole de Montréal en 1987 pour limiter drastiquement la production et la consommation de substances détruisant la couche d’ozone comme les chlorofluorocarbures (CFC) utilisés notamment comme fluides réfrigérants, la concentration d’ozone dans la stratosphère a progressivement baissé. Résultat : la couche d’ozone qui sert de bouclier à notre planète contre les rayonnements du soleil, s’est résorbée.
Problème : l’accord de Montréal n’interdit pas les hydrofluorocarbures (HFC) qui se sont substitués aux CFC mais qui sont de puissants gaz à effet de serre et qui contribuent au réchauffement climatique.
Conséquences : un trou dans la couche d’ozone, en laissant passer certains rayons ultraviolets, peut avoir des effets sur la peau, les yeux, le système immunitaire et contribuer à la réduction d’espèces végétales…
Solutions : désormais il est nécessaire de recourir à des HFC dont le pouvoir de réchauffant est moins impactant…
(1)The Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) est la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques