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Théo Richard : la bioinspiration en héritage et l’écoute du monde comme boussole

  • amellouzguiti
  • il y a 6 jours
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Ingénieur de formation, boulanger par goût, berger ou skipper par circonstances, Théo Richard avance hors des sentiers balisés. Des fjords norvégiens, à Melbourne jusqu’aux Alpes néo-zélandaises, le diplômé de l’INSA Lyon qui a cofondé le premier Fablab dédié au biomimétisme explore aujourd’hui d’autres manières d’apporter ses compétences au monde. Les frontières de sa philosophie ? L’esprit de communauté, la rencontre et l’engagement pour des idées.

 

D’élève-ingénieur à entrepreneur citoyen

Originaire de Quimper, Théo Richard est de ceux qui regardent loin derrière l’horizon, non pour fuir mais pour apprendre sans discontinuer. Cette appétence, il la développe bien avant son entrée à l’INSA Lyon, qu’il rejoint après deux années à l’Université de Rennes 1. Il se passionne très vite pour la mécanique des fluides, la biologie et la nature. Il y étudie la mécanique et découvre lors d’un échange Erasmus en Suède, le biomimétisme, « une approche beaucoup plus à la mode là-bas que chez nous, à cette époque du moins ».

Diplômé en 2014 du département génie mécanique, après quelques mois de consulting, il décline les chemins tout tracés et cofonde Le Biome, premier fablab européen dédié au biomimétisme. Dans ce tiers-lieu ouvert et collaboratif sont conçues des innovations inspirées du vivant. « L’aspect communautaire et participatif permet à tout un chacun de venir y découvrir la bio-inspiration, de prototyper ensemble des solutions à nos problèmes, dans le respect des limites planétaires ». Pendant quelques années, il collaborera avec des chercheurs, artisans, designers et citoyens, jusqu’à que d’autres vents le portent vers de nouvelles aventures.


Ingénieur, Théo Richard a tracé son propre chemin.
Comment mettre à profit ses compétences pour le monde ? L'ingénieur a tracé son propre chemin. (©Théo Richard)

Expéditions en chiens de traîneau et négoce de vins

Il s’engage alors dans un voyage à vélo à travers l’Europe, dont la trajectoire aura parfois pris des détours inattendus. Il parcourt successivement la Suède, les Pays-Bas, la Norvège, l’Allemagne et l’Australie. « J’aime bien faire de l’ingénierie devant un ordinateur, mais j’aime également travailler de mes mains. Je ne trouvais pas chaussure à mon pied, alors j’ai fabriqué mes propres chaussures qui m’ont guidées par la suite ». Artisan crêpier, consultant énergétique agricole, animateur d’ateliers dans des Universités européennes ou berger, Théo Richard propose ses services d’ingénieur autant que sa bonne volonté. « Si je devais faire la liste des métiers que j’ai eu l’occasion de pratiquer durant cette période de ma vie, la liste serait encore longue… Il y a eu guide de chiens de traîneau en Laponie Suédoise, négociant de vin ou même skipper sur un voilier collectant les déchets plastiques sur les côtes norvégiennes. Mais à travers le biomimétisme, penser le renouveau de nos rapports aux autres vivants  n’a jamais vraiment quitté mon esprit ». C’est ce dernier poste nautique qui sellera la suite de son histoire : sur le navire, il y rencontre sa compagne, germano-australienne. Après quelques mois à Munich, le couple met le cap sur l’Australie. Là-bas, encore un nouveau métier, qu’il apprend au hasard d’une rencontre. « J’apprends les ficelles de la boulangerie au levain tôt le matin tout en étant manager de projet dans une éco-ferme urbaine au Centre de Melbourne. Et puis, la Nouvelle-Zélande devient notre prochaine ligne de mire à la faveur d’un transfert professionnel pour ma compagne ».

 

Théo Richard à Queenstown
Le projet Crunch : recycler les déchets du marché du VTT, omniprésents dans la région de Queenstown, réputée comme une station mondiale de la discipline pour créer des objets low-tech.

 

Au cœur du Chamonix néo-Z : recycler les déchets de VTT

Queenstown. Avec ses 50 000 habitants, ses sommets alpins surplombants des eaux turquoises, la petite ville est une vitrine touristique. « Un mix entre Chamonix et Annecy mais aussi une terre en questionnement. La résilience du territoire et la dépendance au tourisme y sont des sujets brûlants ». L’ingénieur y perçoit un terrain fertile pour y vivre l’esprit de communauté et l’engagement des idées qu’il chérit. Les premiers mois, faute de visa de travail, il multiplie les actions bénévoles : comptages ornithologiques, accompagnement d’ONG environnementales, cartographie de la biodiversité. Puis vient une proposition : devenir chef de projet pour The Lightfoot Initiative, une organisation caritative œuvrant pour le développement des mobilités actives et des transports en commun. L’un des projets, Crunch, recycle les déchets du marché du VTT, omniprésents dans la région réputée comme une station mondiale de la discipline, et créée des objets low-tech. « On combine les enjeux de résilience énergétique, de gestion des déchets, et de lien social, tout ça à partir de pièces usagées de vélo. C’est une forme d’upcycling(1) local, accessible et éducative ». Dans ce pays insulaire menacé par le risque sismique constant, la fibre « low-tech » prend racine. Le danger de la faille qui frappe durement tous les 300 ans fait partie du quotidien des néo-zélandais. « Face au risque accru de mégaséisme, les populations sont particulièrement attentives aux questions de résilience locale et énergétique. À travers nos ateliers, nous développons cet esprit : ‘fabriquez un générateur d’énergie avec ce dont vous disposez dans votre garage, pour charger une lampe torche ou une batterie par exemple, en cas de catastrophe’. »

 

Imaginer un futur désirable

Toujours basé à Queenstown et « pour une durée indéterminée », Théo Richard travaille à écrire la genèse de deux autres projets. D’abord, un média citoyen local, tourné vers la vulgarisation scientifique et les communautés locales souvent invisibles dans l’espace public, comme les populations asiatiques et océaniques très présentes à Queenstown. Ensuite, la création d’une structure autour du biomimétisme néo-zélandais, en collaboration avec des chercheurs de l’île du Sud. « La faune et la flore endémiques du pays, dont une large partie est menacée, est paradoxalement très étudiée et emblématique. Elles représentent un levier unique pour la bioinspiration. »

 

Jeune diplômé, Théo Richard co-fondait le premier fablab dédié au biomimétisme. (©Théo Richard/Conférence au Biomimicry Education Summit à Austin, Texas.)
Jeune diplômé, Théo Richard co-fondait le premier fablab dédié au biomimétisme. (©Théo Richard/Conférence au Biomimicry Education Summit à Austin, Texas.)

À chaque étape, l’ingénieur INSA Lyon dédie une ode à l’inconnue avec la même énergie. « J’ai besoin d’apprendre, de toucher à tout, de garder ce regard un peu candide et ‘d’épuiser le champ des possibles’ comme le poète Pindare. Ce n’est pas de l’instabilité, c’est une manière d’habiter le monde. Faire le premier pas, c’est souvent le plus dur, mais on retombe toujours sur ses pattes », sourit-il. « Il me semble que c’est un paradigme auquel nous sommes assez peu habitués en Occident, alors que le contexte global actuel nous exhorte à sortir hors de nos sentiers, à composer avec l’incertitude ». Ainsi, faire société autrement, expérimenter des formes de vie qui allient le sens, la main et l’intelligence collective est une priorité pour celui qui cherche à ouvrir des brèches plutôt que de bâtir un empire. À force de côtoyer les formes du vivant, l’expert du biomimétisme en a peut-être intégré la plus précieuse : l’art de l’impermanence.

 


(1) L'upcycling ou surcyclage, consiste à récupérer des matériaux ou des produits inutilisés afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure.

"Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse. Le monde des hommes est un monde en accélération constante. Dans un univers où tout se transforme si rapidement, la prévision est à la fois absolument indispensable et singulièrement difficile."

Gaston Berger

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